dimanche 28 avril 2013

Éloge de la lenteur











> Vendredi 26 avril. Pourquoi voyager en train sinon pour l'écologie ? Beaucoup de ceux que nous croisons associent notre voyage à une croisade verte. Certes. Peut-être peut-on y voir quelque chose de cet ordre. A la marge certainement mais là n'est pas toute l'essence de notre périple.

Dubrovnik, 30 jours, 2307 km

Nos 2307 km jusqu'aux confins de la Croatie ont été avalés par le train et l'autobus. Nous pouvons essayer d'en tirer un premier bilan, une première empreinte. Pour ce calcul, nous utilisons le site ecopassenger. Développé par l'IFEU indépendant (Institute for energy and environmental research, Heidelberg) mais commandité par l'International Union of railways (UIC), il faudra de fait en prendre les résultats avec précaution. Ce site se propose de comparer la consommation d'énergie, ainsi que les différentes émissions atmosphériques, de trajets européens réalisés en train, voiture ou avion. Selon sa notice explicative, il ne se contente pas de mesurer l'énergie nécessaire au trajet mais prend également en compte celle liée à la production d'électricité ou de carburant (construction/démantèlement de centrales ou puits, génération/extraction, distribution). Point intéressant pour nous, il récupère le type réel de locomotive utilisée en fonction du jour et de l'heure du trajet ferroviaire.
A titre purement démonstratif, nous nous sommes limités à l'émission de CO2, les autres émissions n'étant donc pas converties en équivalent CO2. Nous avons donc relevé sur ecopassenger les émissions de CO2 de nos différents segments ferrés européens. Le site ne permet pas le calcul pour l'autobus, nous avons pour ceux-ci utilisé l'émission CO2 proposée par l'éco-calculateur de l'ADEME. Les autobus croates nous semblent au premier coup d’œil aussi performants que les français !

Notre Paris-Dubrovnik, 2307km terrestres, émet donc environ 79 kg de CO2/personne. A titre de comparaison, le même trajet aérien, 1400 km, engendre 180 kg de CO2/personne.
A première vue, nous semblons y gagner, alors même que nous sommes loin d'avoir choisi la route terrestre la plus directe.

Vert pâle ?

Or aux termes de nos recherches nous n'avons pas trouvé de calculateur qui intègre également la construction/maintenance/usage/démantèlement des infrastructures de transport et des véhicules. Cela risquerait de changer fortement la donne. En ce sens, vous pouvez lire ici un communiqué de l'agence science presse canadienne sur les travaux de deux chercheurs de Berkeley qui ont tenté une approche incluant de tels cycles de vie.
Les émissions de gaz à effet de serre d'un voyage en train pourraient ainsi être doublées, quand celles d'un voyage en avion devraient être majorées de 10 à 20%.
D'où l'intérêt d'essayer d'optimiser au mieux les structures existantes (problématique du Lyon-Turin)

Y aurait-il un sens à vouloir dans notre cas véritablement calculer l'empreinte de notre trajet en y incluant des facteurs correctifs ? Probablement non, qui pourrait le faire aujourd'hui ?
Surtout, nous avons erré sans souci de faire au plus court, au plus vert.

Le luxe de la lenteur

Dubrovnik, 30 jours, 2307km, 12 escales, 212 euros. Nous nous sommes offert comme postulat de voyage que le déplacement était aussi une affaire d'hommes. Nous voulions y trouver du collectif pour ce que les frôlements qu'il ne manque de provoquer dégagent aussi d'humanité. Le métro parisien a beau n'être qu'un infâme cloaque pour qui y est assujetti, pour celui qui garde la curiosité et l'émerveillement du voyageur, il reste un formidable laboratoire humain. Le transport collectif, c'est aussi une véritable expérience de communication.
Terrestre et par tout petits bonds - nous n'avons tout au plus voyagé en moyenne qu'une heure par jour, comme tous les européens -, il offre aussi le luxe de l'errance. Pour le même prix qu'un aller Paris-Dubrovnik acheté quelques jours avant départ, nous avons rêvé de revivre la dérive heureuse de Nicolas Bouvier en 1953.

Nous avons écouté les opposants au Lyon-Turin à Chambéry, nous nous sommes entassés dans les trains bondés de la plaine du Pô. Nous avons souri d'apprendre que l'architecture palladienne de Vicenza avait nourri la non moins palladienne architecture du Liberia, passant par l'Angleterre et les demeures du Sud américain, avant de quitter les champs de coton avec les esclaves libérés. Nous avons conditionné du yaourt en Slovénie alors que le pays tentait de s'extirper d'une inextricable situation de banqueroute bancaire et que le peuple grondait. Nous avons déploré avec Damian, né à Zadar, le vieille inimitié serbo-croate qui tue toute tentative de bilinguisme en Slavonie. Nous avons emporté avec nous les haiku croates de Branimir de Split et goûté un Prosek familial bien vert sur l'île de Bisevo... Partout en Dalmatie, un parfum nous enivre, les orangers sont en fleurs.

"Nous nous refusons tous les luxes sauf le plus précieux : la lenteur" Nicolas Bouvier

Photos : Plitvice, Zadar

1 commentaire:

  1. Que de beau paysages en photos pour illustrer votre article ! Le calcul exact de vos émission de CO² (déjà que "de vos" peu être sujet a controverses selon les points de vues) ne seront jamais bien réels j'imagine. D'autant que ca n'a pas peut-être pas tant d'importance que ça au fond !
    Des bisous de France en tout cas ;)

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