> Vendredi 26 avril. Pourquoi voyager en train sinon pour
l'écologie ? Beaucoup de ceux que nous croisons associent notre
voyage à une croisade verte. Certes. Peut-être peut-on y voir
quelque chose de cet ordre. A la marge certainement mais là n'est
pas toute l'essence de notre périple.
Dubrovnik, 30 jours, 2307 km
Nos 2307 km jusqu'aux confins de la
Croatie ont été avalés par le train et l'autobus. Nous pouvons
essayer d'en tirer un premier bilan, une première empreinte. Pour ce
calcul, nous utilisons le site ecopassenger. Développé par
l'IFEU indépendant (Institute for energy and environmental research,
Heidelberg) mais commandité par l'International Union of railways
(UIC), il faudra de fait en prendre les résultats avec précaution.
Ce site se propose de comparer la consommation d'énergie, ainsi que
les différentes émissions atmosphériques, de trajets européens
réalisés en train, voiture ou avion. Selon sa notice explicative,
il ne se contente pas de mesurer l'énergie nécessaire au trajet
mais prend également en compte celle liée à la production
d'électricité ou de carburant (construction/démantèlement de
centrales ou puits, génération/extraction, distribution). Point
intéressant pour nous, il récupère le type réel de locomotive
utilisée en fonction du jour et de l'heure du trajet ferroviaire.
A titre purement démonstratif, nous
nous sommes limités à l'émission de CO2, les autres émissions
n'étant donc pas converties en équivalent CO2. Nous avons donc
relevé sur ecopassenger les émissions de CO2 de nos différents
segments ferrés européens. Le site ne permet pas le calcul pour
l'autobus, nous avons pour ceux-ci utilisé l'émission CO2 proposée
par l'éco-calculateur de l'ADEME. Les autobus croates nous semblent
au premier coup d’œil aussi performants que les français !
Notre Paris-Dubrovnik, 2307km
terrestres, émet donc environ 79 kg de CO2/personne. A titre de
comparaison, le même trajet aérien, 1400 km, engendre 180 kg de
CO2/personne.
A première vue, nous semblons y
gagner, alors même que nous sommes loin d'avoir choisi la route
terrestre la plus directe.
Vert pâle ?
Or aux termes de nos recherches nous
n'avons pas trouvé de calculateur qui intègre également la
construction/maintenance/usage/démantèlement des infrastructures de
transport et des véhicules. Cela risquerait de changer fortement la
donne. En ce sens, vous pouvez lire ici
un communiqué de l'agence science presse canadienne sur les travaux
de deux chercheurs de Berkeley qui ont tenté une approche incluant
de tels cycles de vie.
Les émissions de gaz à effet de serre
d'un voyage en train pourraient ainsi être doublées, quand celles
d'un voyage en avion devraient être majorées de 10 à 20%.
D'où l'intérêt d'essayer d'optimiser
au mieux les structures existantes (problématique du Lyon-Turin)
Y aurait-il un sens à vouloir dans
notre cas véritablement calculer l'empreinte de notre trajet en y
incluant des facteurs correctifs ? Probablement non, qui
pourrait le faire aujourd'hui ?
Surtout, nous avons erré sans souci de
faire au plus court, au plus vert.
Le luxe de la lenteur
Dubrovnik, 30 jours, 2307km, 12 escales, 212 euros.
Nous nous sommes offert comme postulat de voyage que le déplacement
était aussi une affaire d'hommes. Nous
voulions y trouver du collectif pour ce que les frôlements qu'il ne
manque de provoquer dégagent aussi d'humanité. Le métro
parisien a beau n'être qu'un infâme cloaque pour qui y est
assujetti, pour celui qui garde la curiosité et l'émerveillement du
voyageur, il reste un formidable laboratoire humain. Le transport
collectif, c'est aussi une véritable expérience de communication.
Terrestre et par tout petits bonds -
nous n'avons tout au plus voyagé en moyenne qu'une heure par jour,
comme tous les européens -, il offre aussi le luxe de l'errance.
Pour le même prix qu'un aller Paris-Dubrovnik acheté quelques jours
avant départ, nous avons rêvé de revivre la dérive heureuse de
Nicolas Bouvier en 1953.
Nous avons écouté les opposants au Lyon-Turin à Chambéry, nous nous sommes entassés dans les
trains bondés de la plaine du Pô. Nous avons souri d'apprendre que
l'architecture palladienne de Vicenza avait nourri la non moins
palladienne architecture du Liberia, passant par l'Angleterre et les
demeures du Sud américain, avant de quitter les champs de coton avec
les esclaves libérés. Nous avons conditionné du yaourt en Slovénie
alors que le pays tentait de s'extirper d'une inextricable situation
de banqueroute bancaire et que le peuple grondait. Nous avons déploré
avec Damian, né à Zadar, le vieille inimitié serbo-croate qui tue
toute tentative de bilinguisme en Slavonie. Nous avons emporté avec
nous les haiku croates de Branimir de Split et goûté un Prosek
familial bien vert sur l'île de Bisevo... Partout en Dalmatie, un
parfum nous enivre, les orangers sont en fleurs.
"Nous nous refusons tous les luxes sauf le plus précieux : la lenteur" Nicolas Bouvier
Photos : Plitvice, Zadar
"Nous nous refusons tous les luxes sauf le plus précieux : la lenteur" Nicolas Bouvier
Photos : Plitvice, Zadar
Que de beau paysages en photos pour illustrer votre article ! Le calcul exact de vos émission de CO² (déjà que "de vos" peu être sujet a controverses selon les points de vues) ne seront jamais bien réels j'imagine. D'autant que ca n'a pas peut-être pas tant d'importance que ça au fond !
RépondreSupprimerDes bisous de France en tout cas ;)