> Mardi 30 avril. Nous partîmes de Mostar vers Banja
Luka, passant par Sarajevo. La route en ce sens retrace elle-même
l'Histoire de la Bosnie-Herzégovine et dévoile les différents
visages de ses habitants. Du pont ottoman de Soliman à Mostar,
reconstruit en 2004 car pilonné pendant la guerre, aux multiples
mosquées de Sarajevo, elles aussi restaurées après le siège de
92-95, jusqu'aux églises orthodoxes de la république Srpska,
enclave peuplée majoritairement de Serbes, la mosaïque se tisse peu
à peu pour nous. Sans jamais cesser d'être plurielle et complexe.
La route
Après quelques jours à Sarajevo,
passés arpenter les quartiers turc et austro-hongrois, nous décidons
de prendre le chemin de la République Srpska. Entité Serbe enclavée
dans la Bosnie Hercégovine, sa reconnaissance a été l'une des
conditions des accords de paix de Dayton en 1995. Nous allons dans un
tout petit village perdu dans la forêt, quelque part près de
Mrkonjic Grad.
Il n'existe aucun bus entre Sarajevo et
cette petite localité. Nous tentons le bus pour Bihac, à la
frontière Nord-Ouest de la Bosnie, sa tangente passe semble-t-il à
Mrkonjic. Nous sommes les seuls étrangers. Le voyage a comme un
petit air de dimanche à la campagne. Tout le monde s'apostrophe. Le
chemin de lacets sillonne et voltige à travers cols et vallées,
fleuries de minarets rutilants. Une femme est malade des soubresauts.
Aussitôt la fourmilière s'agite. Cinq ou six personnes l'entourent
-de l'air de l'eau et un éventail qui s'agite. Bientôt tout le
monde sait que nous allons à Mrkonjic Grad. Las, le chauffeur est
intraitable, notre billet n'est que pour Jajce, nous allons devoir y
descendre et tenter de finir les 30km restants par nos propres
moyens.
La crise
Un ange passe. Il s'appelle Aldin.
Vingt-trois ans, le sourire avenant, l'anglais hésitant, il
parlemente pour nous, paie lui-même un petit supplément et nous
offre un soda. Nous irons jusqu'à Mrkonjic Grad. Lui voudrait
visiter Paris avec sa future femme, il se marie le mois prochain.
Comment faire avec un salaire mensuel moyen en Bosnie de 250 euros ?
Aldin a fait des études de théologie de l'Islam mais il ne peut
trouver de travail dans son pays, pour le moment il aide son père
dans une petite affaire de location de voiture. L'an prochain il aura
un enfant, « Inch'Allah », et peut-être qu'un jour il
vivra en Finlande, pays où les forêts sont immenses et où il pense
avoir la place qu'il faut pour ses rêves.
Plus loin, à Banja Luka, capitale de
la république Srpska, un autre jeune homme nous viendra en aide. Il
nous guide dans le centre de sa ville et nous parle laconiquement de
lui. Ici, il semble que la parole attende le visiteur pour
s'épancher, si brève soit la rencontre. Serbe installé avec ses
parents en Bosnie peu avant la guerre, il a étudié à Belgrade et
cherche un emploi au cadastre. En vain, peut-être lui faudra-t-il
quitter son pays.
Bosniaques, musulmans, ou Bosniens,
serbes, la crise semble être aujourd'hui le dénominateur commun à
tous ceux que la guerre avait opposés.
Photos : Mostar, Sarajevo, Aldin, Banja Luka
Photos : Mostar, Sarajevo, Aldin, Banja Luka
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire