jeudi 6 février 2014

Les coréennes








 > Ce message pour rendre hommage à toutes ces coréennes qui auront illuminé mon mois de frimas en Corée. Non que les hommes coréens n'auraient certes mérité pareil message mais mon âme sent bien qu'ici c'est la femme coréenne que j'ai réellement approchée.

Il y eut d'abord Ila, fugace rencontre à Busan, aussi furtivement revue à Séoul. L'incarnation du passage à l'âge adulte. Un séjour interdit dans le Sud, marqué du sceau du secret et par là chargé de la douce et acide odeur de l'inquiétude fiévreuse. Les premiers entretiens d'embauche, les amis plus vraiment étudiants avec qui l'on partage encore un appartement.

Sohee et son rire profond d'alto, inoubliable, dont la rousseur se détachera toujours dans ma mémoire sur les glaces craquées du lac de Chungju.

Hyunji évidemment. Nous aurons été miroirs l'une de l'autre, égrenant les heures au chapelet des marasmes de nos amours. Figure des excès du capitalisme sud-coréen, elle s'accordait -impudence largement mécomprise par son bourreau de travail de fiancé-, deux mois loin du bureau pour permettre à son corps de reprendre souffle après des années de semaines dépassant la centaine d'heures de travail, dont une bonne part de nuit.

Sung-In, que le destin aura placée deux fois par hasard sur ma route, à Jeonju puis Séoul, dans un bus au cœur de cette mégalopole vibrante de dix millions d'êtres. Le hasard ou la volonté au choix. Elle avait fait le vœu de me revoir, cette admiratrice de jazz, hyper-active dès 6h du matin à l'exercice avant les longues de heures de bureau. Déchirée entre la pression sociale qui lui intime de se marier avant 30 ans - l'année de gestation comptant ici comme une première année, les 30 ans sont plus vite atteints qu'il n'y paraît!-, et le sentiment de devoir encore interroger son amour pour ce garçon en charge des transports de Séoul pour qui son cœur bat depuis l'un de ses nombreux bénévolats où elle l'a rencontré.

Barbie et Ashley, dont je ne connaîtrai que les noms choisis en langue anglaise. Une énergie folle, une bonne dose d'impertinence et tellement citadines.

Et toutes les autres, celles dont il ne m'aura pas été donné de connaître les noms. Cette jeune infirmière qui aura patienté pendant presque une heure avec moi sous le grésil de Jeonju, en attente d'un bus fantôme. Cette demoiselle de près de 80 ans à vue d'oeil, pleine de malice, qui aura pris soin, et plutôt deux fois qu'une, de vérifier mon placement dans le train Chungju-Daejeon. Elle n'aura pas osé s'asseoir à la place libre à mes côtés. Ce n'était pas le numéro indiqué sur son billet. Mais le tintement de ses béquilles impatientes et le petit cliquetis qu'elle faisait en sautillant allègrement dans le couloir du wagon auront résonné plusieurs fois au cours de la petite centaine de minutes de voyage. Pour des bonbons, pour de la tisane, pour des œufs cuits dans du thé, pour des regards. Beaucoup de mots incompris, vite effacés par de larges sourires édentés.

Quand j'énonce le but de mon entreprise d'un an -à celles qui possèdent un peu d'anglais-, la réaction invariablement ne me surprend plus, toute de cercle façonnée. Un « Woooooo » bien trop long, la bouche en cul de poule, les yeux largement arrondis. Puis toute de suite après, un large sourire. Elles aussi rêvent d'autres horizons, ces jeunes femmes qui ont passé leur adolescence enfermées au lycée à travailler de 7h du matin à minuit pour réussir le concours d'entrée à l'université et qui sentent bien poindre la vie derrière le diktat du productivisme.

Une toute jeune fille, voyageuse d'une semaine en train en son pays m'aura parlé longuement, très lentement, les phrases ponctuées d'interminables silences, de ceux que l'on sent ne surtout pas devoir troubler, à la recherche du mot juste. Plus tard elle m'écrira. « It was the first time to speak in English with a foreigner. I have had a dream to travel all around the world. But I was not brave enough to do it. But after I met you, I got a courage that I can do it.» «Pour moi, ce fut la première fois que je parlai anglais avec une étrangère. J'ai eu ce rêve de voyager tout autour du monde. Mais je n'étais pas assez brave. Mais après t'avoir rencontrée, j'ai senti le courage en moi de pouvoir le faire».

Voilà pourquoi j'ai choisi d'écrire sur les coréennes. Parce qu'elles sont émouvantes. Touchantes. Parce qu'elles sont sophistiquées, naturelles et espiègles. Parce qu'elles ont ces gestes tendres de certaines femmes dont la subtilité et la délicatesse défieraient un maître italien, quand elles arrangent leurs cheveux ou qu'elles glissent une ombre à la courbure de leurs yeux. Parce qu'elles sont belles, tout simplement.
Merci. Gamsa habnida.
감사합니다

Photos : Sung-In, Sohee, Ashley, Barbie, Ila, Hyunji




  

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