> Ce message pour rendre hommage à
toutes ces coréennes qui auront illuminé mon mois de frimas en
Corée. Non que les hommes coréens n'auraient certes mérité pareil
message mais mon âme sent bien qu'ici c'est la femme coréenne que
j'ai réellement approchée.
Il y eut d'abord Ila, fugace rencontre
à Busan, aussi furtivement revue à Séoul. L'incarnation du passage
à l'âge adulte. Un séjour interdit dans le Sud, marqué du sceau
du secret et par là chargé de la douce et acide odeur de
l'inquiétude fiévreuse. Les premiers entretiens d'embauche, les
amis plus vraiment étudiants avec qui l'on partage encore un
appartement.
Sohee et son rire profond d'alto,
inoubliable, dont la rousseur se détachera toujours dans ma mémoire
sur les glaces craquées du lac de Chungju.
Hyunji évidemment. Nous aurons été
miroirs l'une de l'autre, égrenant les heures au chapelet des
marasmes de nos amours. Figure des excès du capitalisme sud-coréen,
elle s'accordait -impudence largement mécomprise par son bourreau de
travail de fiancé-, deux mois loin du bureau pour permettre à son
corps de reprendre souffle après des années de semaines dépassant
la centaine d'heures de travail, dont une bonne part de nuit.
Sung-In, que le destin aura placée
deux fois par hasard sur ma route, à Jeonju puis Séoul, dans un
bus au cœur de cette mégalopole vibrante de dix millions d'êtres.
Le hasard ou la volonté au choix. Elle avait fait le vœu de me
revoir, cette admiratrice de jazz, hyper-active dès 6h du matin à
l'exercice avant les longues de heures de bureau. Déchirée entre la
pression sociale qui lui intime de se marier avant 30 ans - l'année
de gestation comptant ici comme une première année, les 30 ans sont
plus vite atteints qu'il n'y paraît!-, et le sentiment de devoir
encore interroger son amour pour ce garçon en charge des transports
de Séoul pour qui son cœur bat depuis l'un de ses nombreux
bénévolats où elle l'a rencontré.
Barbie et Ashley, dont je ne connaîtrai
que les noms choisis en langue anglaise. Une énergie folle, une
bonne dose d'impertinence et tellement citadines.
Et toutes les autres, celles dont il ne
m'aura pas été donné de connaître les noms. Cette jeune infirmière
qui aura patienté pendant presque une heure avec moi sous le grésil
de Jeonju, en attente d'un bus fantôme. Cette demoiselle de près de
80 ans à vue d'oeil, pleine de malice, qui aura pris soin, et plutôt
deux fois qu'une, de vérifier mon placement dans le train
Chungju-Daejeon. Elle n'aura pas osé s'asseoir à la place libre à
mes côtés. Ce n'était pas le numéro indiqué sur son billet.
Mais le tintement de ses béquilles impatientes et le petit cliquetis
qu'elle faisait en sautillant allègrement dans le couloir du wagon
auront résonné plusieurs fois au cours de la petite centaine de
minutes de voyage. Pour des bonbons, pour de la tisane, pour des œufs
cuits dans du thé, pour des regards. Beaucoup de mots incompris,
vite effacés par de larges sourires édentés.
Quand j'énonce le but de mon
entreprise d'un an -à celles qui possèdent un peu d'anglais-, la
réaction invariablement ne me surprend plus, toute de cercle
façonnée. Un « Woooooo » bien trop long, la bouche en
cul de poule, les yeux largement arrondis. Puis toute de suite après,
un large sourire. Elles aussi rêvent d'autres horizons, ces jeunes
femmes qui ont passé leur adolescence enfermées au lycée à
travailler de 7h du matin à minuit pour réussir le concours
d'entrée à l'université et qui sentent bien poindre la vie
derrière le diktat du productivisme.
Une toute jeune fille, voyageuse d'une
semaine en train en son pays m'aura parlé longuement, très
lentement, les phrases ponctuées d'interminables silences, de ceux
que l'on sent ne surtout pas devoir troubler, à la recherche du mot
juste. Plus tard elle m'écrira. « It was
the first time to speak in English with a foreigner. I have had a
dream to travel all around the world. But I was not brave enough to
do it. But after I met you, I got a courage that I can do it.»
«Pour moi, ce fut la première fois que je parlai anglais avec une
étrangère. J'ai eu ce rêve de voyager tout autour du monde. Mais
je n'étais pas assez brave. Mais après t'avoir rencontrée, j'ai
senti le courage en moi de pouvoir le faire».
Voilà pourquoi j'ai choisi d'écrire
sur les coréennes. Parce qu'elles sont émouvantes. Touchantes.
Parce qu'elles sont sophistiquées, naturelles et espiègles. Parce
qu'elles ont ces gestes tendres de certaines femmes dont la subtilité
et la délicatesse défieraient un maître italien, quand elles
arrangent leurs cheveux ou qu'elles glissent une ombre à la courbure
de leurs yeux. Parce qu'elles sont belles, tout simplement.
Merci. Gamsa habnida.
감사합니다
Photos : Sung-In, Sohee, Ashley, Barbie, Ila, Hyunji
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