> Lundi 22 juillet. Pour espérer fouler du pied les grottes de la mosquée souterraine du sage soufi Beket Ata au Kazakhstan, il faut cheminer avec des pèlerins et ne pas craindre la panne mécanique.
La traversée du désert se partage
avec une famille de touristes religieux venue de Nukus en Ouzbékistan
et avec quelques fervents kazakhs. Près de 600 km aller et retour
d'Aktau quitté à l'aube. Somnolence et dromadaires dans la lumière
pâle du matin, avant les chaleurs torrides.
Un premier arrêt à Chopan-Ata permet
une mise en jambe de l'âme. L'Islam ici est soufisme. Mystique, mêlé
de chamanisme. Il s'agit de faire une ronde silencieuse dans la
mosquée troglodyte autour d'un tronc sur lequel chacun attache des
lambeaux de vêtements puis se caresse le visage du sacré exhalé
par le bois. Un pèlerinage implique aussi de bonnes rasades de thé,
noir et au lait ou vert léger, et nombres de sucreries offertes aux
croyants. Le temps du Ramadan n'a pas d'emprise sur cette tradition.
A Beket Ata, une mosquée-auberge
attend les pèlerins au bord du précipice et des mille marches qu'il
ne manqueront pas de s'infliger en pénitence sous le soleil écrasant
de l'après-midi. Là aussi, thé, pain, gâteaux, sucreries, tables
basses et coussins durs.
La descente à la mosquée semble
presque fraîche, la remontée le sera beaucoup moins. En bas, les
quelques boyaux atteignent une saturation d'humidité qui doit
participer à la transe mystique de certains. Après l'offrande, la
mosquée-auberge rabat les fidèles et les autres en son sein. Deux
salles féminine et masculine ronflent doucement, les corps jetés
pêle-mêle sur des tapis désordonnés chez les femmes, docilement
alignés chez les hommes. L'heure du repas les réveille aux cris
d'une sèche matrone. Le beshbarmak, « cinq doigts » en
référence à son mode de consommation, est servi dans un plat
unique pour cinq hommes ou femmes, à même le sol. Aux doyens échoie
le privilège de couper les abats de mouton présentés, queue,
couilles et mentons poilus. Le bouillon gras se doit d'être
gloutonnement siroté à côté. Une épreuve pour les novices que
nous sommes. Chez les femmes, seules les épouses dûment munies d'un
foulard blanc peuvent desservir une fois le repas terminé.
Certains dorment encore quelques heures
avant de finalement quitter le site en pleine nuit, d'autres, dont
nous sommes, s'engouffrent dans les marshrutkas à peine le repas
avalé. Hélas nous espérions arriver à Aktau par une nuit encore
jeune. Le percement du radiateur en aura décidé autrement. Trois
heures d'attente en plein désert sous un soleil mourant puis le
silence enveloppant de la nuit pour une pièce hypothétique.
Camilla, ingénieure du pétrole à Aktau où elle a grandi, en est
sûre. « Beket Ata a voulu nous retenir un peu plus ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire