> Mardi 13 août. A la poursuite de visas chinois pour
espérer atteindre enfin les rives du Pacifique, nous aurons erré de
Tachkent en Bichkek, n'apercevant de la vallée de Ferghana ouzbek
que les plis d'un rideau, sous l'enclume pesante de la maladie,
cuisante et décourageante. Déboutés à Tachkent, nous arrivons à
Bichkek comme dans un roman d'aventure. Nous savons vaguement que
notre obtention du précieux sésame passera par les services,
mystérieux, d'une certaine Miss Liu, bien connue des voyageurs vers
l'Est.
Confiants, nous avons à peine le temps
d'apercevoir ses boucles brunes au fond d'un bureau reclus que le
couperet s'abat sur nous. Depuis cette semaine exactement, les
autorités chinoises ont décidé de changer la donne. Plus de visas
aux étrangers en dehors de leur pays d'origine. Volonté de limiter
les incursions par l'Ouest où les Hans expérimentent l'âpreté de
la rébellion ouïghour? Comment savoir. Un détour à
l'ambassade en compagnie d'un sous-fifre de l'énigmatique Miss Liu
et l'opacité du manège s'expose de plus belle à nos yeux. Une
joyeuse cohue d'intermédiaires bardés de passeports et de
passe-droits. Pas pour nous malheureusement.
Rompant notre pacte, nos passeports
s'envolent donc pour le France, espérant là-bas de meilleurs
auspices. Et s'il fallait envisager un contournement par la Russie et
Vladivostok ? Envolé le Pacifique Sud. Le Pacifique est mort,
vive le Pacifique. Là haut nous attend l'inespéré. La Corée, le
Japon, la Micronésie ? Ce qui arrivera sera toujours la
meilleure option.
« On croit qu'on va faire un
voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous
défait ». Nicolas Bouvier, L'usage du monde.
Photo: Bichkek
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire