lundi 27 janvier 2014

Des truites et des cloches











 >Vendredi 17 janvier. En chemin vers le Zen coréen, je tombe sur des truites. Les voies de la sagesse sont parfois impénétrables. A Jinbu, au changement de bus entre Séoul et Woljeongsa, l'un des 24 temples principaux de l'ordre Jogye du bouddhisme coréen traditionnel où je me rends, le festival de la truite bat son plein. De la tente au pêcheur solitaire en passant par ceux qui osent se mouiller, les techniques variées, rafraîchissantes, frôlent l'insolite.

A Woljeongsa, la sérénité s'installe vite, malgré l'affluence de visiteurs en cette fin de semaine. Ceux qui tentent comme moi le « templestay », tous coréens, beaucoup de citadins, Séoul en tête. Ceux qui passent sur le chemin de la randonnée au mont Odaesan. Bien sûr, les figures intemporelles de ces moines et nonnes en large et long veston matelassé gris perle, bonnets enfoncés jusqu'au nez. Et des centaines de novices reclus pour un ou trois mois, en questionnement sur une possible vie monastique ou en simple recul par rapport à une société à bien des égards trop frénétique. On rencontre de tout à Woljeongsa.

Une jeune fille au cœur brisé par le refus de ses parents d'accepter son mariage. « Ce n'est pas une pratique légale, mais culturellement, je ne peux passer outre. » Une femme de diplomate coréen, exilée depuis des années eu Europe, en Malaisie, en Indonésie. « Loin depuis si longtemps, je n'arrive plus à suivre les évolutions de la société coréenne. Tout bouge trop vite. Alors paradoxalement, c'est ici que j'aime à venir puiser aux sources de notre culture, même si je suis catholique ». Un père quinquagénaire et son fils, le premier vivant à Busan, la grande ville du Sud, le second exilé avec sa mère en Australie depuis l'adolescence. « Je suis parti depuis si longtemps que je ne comprends plus toute la subtilité de ce qui se joue ici. D'ailleurs, vivre cela, c'est exceptionnel, même pour un coréen », me confie le fils, la vingtaine. « Les programmes de templestay à mon avis sont de plus en plus populaires, les gens ont besoin de déconnecter d'une vie où tout est centré sur la réussite matérielle », ressent son père, Mr Choo.

Perdus ici, entre les pins blancs de neige, lorsque glissent en file indienne les centaines de petits costumes safran et bruns des novices au sortir du service de 4h20, comme autant d'origamis sur le timide scintillement de la neige éclairée aux bougies dans la fraîcheur mordante qui précède l'aube, cela coule de source.

Une version plus longue de cet article est disponible sur Libé Voyages 

Photos : Jinbu, Woljeongsa, Sangwonsa







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