mardi 25 juin 2013

Poids et plumes de l'imprévu





> Jeudi 13 juin. En route, le hasard tient lieu de boussole. Il suffit d'une rencontre fortuite pour explorer les traverses et s'exposer, plus qu'imaginé, aux rugosités insoupçonnées d'un pays, à ces aléas qui nous attendent aux plis d'un chemin, à des plaisirs qui ne s'offrent pas au premier sourire aussi.

Nous avions rencontré à Ploviv Elina. Tout est sans doute parti de là. D'un voyageur-historien bien informé aussi, croisé à Belgrade. L'une nous a recommandés à une amie d'Izmir, quand l'autre nous mettait sur la piste du consulat iranien de Trabzon. Notre route turque qui devait sur le papier emprunter une diagonale ferroviaire Istanbul-Ankara-Van s'est offerte à la divagation.

Istanbul-Izmir

A Izmir, quelques tentes de soutien à Gezi, le long du Kordon, croisette interminable. Au bazar, Taco nous aborde. Il lui manque l'essentiel de ses dents, pourtant son sourire accroche. Taco a appris les langues avec les voyageurs de passage, ceux qui prennent le temps de se perdre dans cette ville d'Izmir étouffante au premier regard. Il travaille quelques jours par semaine dans une usine de fabrication de narguilés, vit dans un hôtel à Izmir le reste du temps. Ses enfants sont adultes, peut-être ne les voit-il plus. Il y a quelques années, le tabac lui a enlevé son dernier amour, une française, Marie-Annick. Ce nom revient souvent dans la conversation, nostalgie infinie des paradis perdus. Ils sont des millions les Tacos, les aurions-nous seulement croisés ailleurs qu'à Izmir ?

En couchsurfing, les gens que nous rencontrons nous ressemblent. Que nous le voulions ou non, nous sommes des bourgeois et les réseaux sociaux en sont l'Internationale. Partout, ils nous tendent un miroir, avec une petite couleur locale. Il y a à cela un confort indéniable, la reconnaissance immédiate, une porte d'entrée aisée dans une nouvelle culture. Il serait malvenu de ne pas l'admettre.

A Izmir, Sinem, amie d'Elina et adepte du couchsurfing, nous offre le canapé. Elle finit son internat de psychiatrie. L'an prochain elle sera peut-être envoyée pour quelques années en « service obligatoire » dans l'Est du pays qui manque de médecins. Une condition à l'obtention de son titre. La Turquie applique donc cette formule hautement décriée en France par les praticiens contre les déserts médicaux, sans contre-partie aucune en terme de rémunération ou d'aide à l'installation. De Sinem, nous garderons le flamboiement d'une chevelure, un rire franc et déployé, une voix et quelques roucoulements de violon.

Photos : Izmir, Sinem et une amie

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Izmir-Trabzon

Des ruines d'Ephèse, nous rejoignons les concrétions de Pamukkale et la cité antique d'Hierapolis. Un coup d’œil bien trop bref entre deux bus avant d'avaler 1200 km en 19h. La traversée de l'Anatolie n'est pas mixte. Lui dans une rangée du bus avec les hommes, elle dans l'autre. Dix-neuf heures de silence à regarder le bitume et les collines engloutir le temps.

Trabzon nous semble triste. Une ville côtière grise qui tourne le dos à son rivage et développe surtout une activité de tourisme de prostitution à destination de Russes en mal d'exotisme. Puis, nous n'obtenons pas notre visa iranien comme espéré. Hassan Rohani a été élu deux jours avant notre demande, cependant les procédures d'obtention de visas restent gelées jusqu'en juillet.

Photos : Ephèse, Pamukkale





Ayder

Nous poussons jusqu'au massif des Kaçkars, en retrait de la mer Noire. L'occasion pour nous d'arpenter de hauts pâturages à près de 3000m et d'approcher les sommets. La route qui s'encaisse de la mer aux gorges sillonne à travers de luxuriants versants humides couverts de plantations de thé. A l'arrivée à Ayder, village réputé pour son miel aux vertus miraculeuses à 60 euros le kilo, un turc exilé en Allemagne nous entraîne dans une petite pension tenue par une maîtresse-femme, Meryem. Nous y serons bien roulés de quelques sous mais la rencontre en valait certainement le poids du métal.

A défaut d'être allés au Kurdistan, nous séjournons au Semih Pansiyon en même temps qu'un charmant couple de kurdes de Doğubeyazıt en voyage de noces, Mehmet et Nezihe. Chaque soir, Meryem et ses amies nous entourent au coin du poêle. On y coud des breloques sur des voiles, on y tricote d'épaisses chaussettes de montagne, on y prépare des onguents pâteux et surtout, surtout, on y passe des heures sur Facebook. L'arrivée de notre ordinateur insuffle une bouffée d'oxygène à ces incorrigibles bavardes qui ne se lassent pas de nous faire partager leurs innombrables photos en ligne. Elles et leurs enfants bébés il y trente ans de cela, elles jeunes filles sur des clichés aux couleurs perdues, elles aux quatre coins de la Turquie...Facebook a ainsi trouvé un nouvel usage chez un public insoupçonné. Il a remplacé les poussiéreux albums de famille que l'on feuillette au coin du feu.

Photos : Ayder, Mehmet et Nezihe, Meryem et Aysel, Yukari Kavrun









1 commentaire:

  1. Pas de visa pour l'Iran :-( Vous faites comment alors ? C'est rude ça. Moi qui garde des souvenirs extraordinaires de ce pays.

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