mardi 9 juillet 2013

Lada et Mercedes





> Samedi 22 juin. Un pays méconnu se cache derrière la guerre éclair de 2008. Quiconque nous y croiserons nous demandera invariablement comment l'idée nous est venue d'arpenter la Géorgie, les visiteurs y restant pour le moment majoritairement polonais ou israéliens. L'image que nous en cultivions n'était guère que celle d'une invasion de chars russes et de provinces sécessionnistes.
La Géorgie c'est bien plus que cela. C'est une arène où vrombissent des Lada et des Mercedes.













A Batumi s'exprime au mieux la folie des grandeurs capitalistes du régime pro-occidental en place depuis la révolution des Roses de 2003. Une ville au vieux centre comme endormi dans la poussière de villas aux balconnets Art Nouveau et un bord de mer clinquant qui mue peu à peu en un petit Dubaï. De grands chantiers maculent cette côte, dont une future tour Trump. Son promoteur, le milliardaire Donald Trump, a d'ailleurs déclaré dans une récente interview qu'il imaginait Batumi comme la meilleure ville du monde dans cinq ans.
Indéniablement, certains se sont enrichis dans les dernières années. A Gori, ville natale de Staline, peut-être encore le dernier bastion de ses ultimes partisans dans un pays qui a tout de même décidé d'en déboulonner la monumentale statue de l'hôtel de ville après la dernière guerre contre la Russie, près de la moitié des véhicules en circulation sont de luxe, Mercedes en premier lieu.
A Kutaisi, ville maintes fois royale, le temps semble au contraire s'être arrêté à la Lada, pétaradante devant les échoppes de rues. Le gouvernement se targue d'y avoir construit un Parlement flambant neuf. De tels ovnis se sont également plantés dans le centre de Tbilissi la capitale. Les investissements étrangers y ont permis la construction d'un pont de la Paix flamboyant et un animal de verre et d'acier étire ses tentacules dans un tout nouveau parc devant le palais présidentiel. Le soir, une féerie aquatique, musicale et colorée, draine les badauds et rafraîchit les enfants.

La Géorgie entend se refaire une beauté. Des centaines d'églises, de monastères, de sites historiques, ont été complètement rénovés, voire reconstruits du quasi-néant, à l'image de la forteresse d'Akhaltsikhe. De nouveaux hôpitaux, écoles, routes, tunnels poussent ça et là. Le gouvernement se vante de prendre soin des plus démunis, les réfugiés géorgiens d'Abkhazie et d'Ossétie, refoulés de leurs foyers après les dernières guerres et accueillis dans des camps en dur en périphérie de villes comme Gori. L'aide européenne et américaine est bien loin d'y être étrangère.

La « vie moderne » n'en a pas pour autant atteint les contreforts du Caucase. Tout au bout de l'ancienne route militaire de la Géorgie à la Russie, nous rencontrons un trio de femmes attachant à Kazbegi. Qetino y tient une petite chambre d'hôtes. Fine cuisinière et polyglotte accidentelle -elle a appris les langues avec les visiteurs de passage-, elle nous parle des traditions encore vives du patriarcat géorgien, des retraites de 100 lari (50 €) qui ne suffisent pas à payer les soins de ses vieux parents, des familles de huit pour trois générations qui doivent vivre sur un seul salaire. « Toutes ces nouvelles constructions, ces infrastructures dans le pays, c'est bien mais ça ne vient pas jusqu'à chez nous ». Deux jeunes sœurs de Tbilissi, Kati et Nino, passent une semaine chez Qetino en même temps que nous. A 21 ans, Kati s'occupe seule de sa petite fille de quatre ans, Natalie. Nous ne pourrons comprendre si son mari est mort ou s'il travaille en Turquie, une sorte de flou étant entretenu à destination de Natalie. Nino, 23 ans, s'est mariée « tard », à 19 ans. Elle et son mari travaillent et pour le moment ne veulent pas d'enfant. « C'est très difficile à faire accepter en Géorgie ». Les choses changent, petit à petit. Et Qetino nous rappelle les deux premières phrases qu'elle a su prononcer en anglais. « No problem » et « Nice situation ».

Photos: Tbilissi, Batumi, Monastère troglodyte de Vardzia, forteresse d'Akhaltsikhe, village de réfugiés et maison-mausolée de naissance de Staline à Gori, l'hospitalité géorgienne proverbiale au "chacha" du matin dans le train Batumi-Kutaisi, le monastère-académie de Gelati, Kutaisi, Qetino et Kati, un banquet géorgien et l'ascension du glacier de Kazbegi avec Gad venu d'Israël.




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