> Vendredi 5 juillet. Nous pensions partir pour la route de
la Soie, celle du pétrole nous a rattrapés. Les vestiges des
caravansérails comme éclipsés par les champs de derricks dans le
désert. Comment ne pas admettre que le commerce de l'or noir a
simplement pris le pas sur celui des étoffes, tirant encore et
toujours l'Est vers l'Ouest par les mêmes courants.
Dans le Caucase, nous avons mûri notre
trajet et finalement décidé de laisser de côté l'Iran et le
Turkménistan, le temps nous étant maintenant compté pour un
rendez-vous en Chine et les procédures promettant d'être au mieux
fastidieuses. De la Turquie au Kazakhstan donc, passant par la
Géorgie et l'Azerbaïdjan, nous aurons posé nos semelles sur
l'oléoduc Baku-Batumi-Ceyhan et au-delà vogué de concert avec les
pétroliers de la Caspienne, chargés du carburant kazakh en partance
pour l'Europe. Un voyage à travers d'anciennes républiques
soviétiques maintenant pions dans la politique d'indépendance
énergétique de l'Europe face à la Russie.
En Azerbaïdjan, nous aurons été
pauvres à Baku, parmi les nouveaux princes du pétrole, et proies
pour les plus laissés pour compte du pays dans les villages du
Caucase. Comment ne pas le comprendre dans un pays traversé de tant
de contradictions ? Malgré tout, le manque de sincérité dans
les relations nous aura pesé, jusqu'à notre rencontre
providentielle à Quba avec un couple de Belges, Claude et Michèle.
Claude avait déjà pris la température du pays en 2006 comme
observateur belge des élections présidentielles pour le compte de
l'OSCE. Armé de bons rudiments de russe et de l'envie d'explorer
plus avant le pays, il nous aura permis de vivre des moments
émouvants avec les bergers de Xinaliq, près de la frontière avec
le Daguestan. Avec les rires de Mehmet et Zahra, les enfants des
villageois chez qui nous logions alors, nos seuls instants de vérité.
L'Azerbaïdjan nous aura mis une sacrée
droite : l'effet le plus pervers du pétrole n'obscurcit pas
uniquement l'atmosphère mais aussi les âmes, perverties et
noircies. Comment imaginer que le sourire et la compassion puisse
naître d'une énergie tirée de la mort, au plus profond de terres
desséchées ? Une remise en cause toute personnelle. Même si
nous suivons une route terrestre, notre mouvement est en très grande
partie mû par le pétrole. Pas uniquement bien sûr, d'autres
énergies nous propulsent tout autant, l'envie de rupture,
d'aventure, de rencontres. Peut-être aurons-nous beaucoup moins
besoin à l'avenir de l'énergie noire mortifère. Peut-être
irons-nous nous-mêmes vers plus d'authentique. Quelles énergies
nous permettront alors de continuer à avancer ? Le voyage
participera sans doute de la réponse.
Photos: volcans de boue de Gobustan, Baku, Lahic, Xinaliq
Photos: volcans de boue de Gobustan, Baku, Lahic, Xinaliq
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