>Vendredi 17 janvier. En chemin vers
le Zen coréen, je tombe sur des truites. Les voies de la sagesse
sont parfois impénétrables. A Jinbu, au changement de bus entre
Séoul et Woljeongsa, l'un des 24 temples principaux de l'ordre Jogye
du bouddhisme coréen traditionnel où je me rends, le festival de la
truite bat son plein. De la tente au pêcheur solitaire en passant
par ceux qui osent se mouiller, les techniques variées,
rafraîchissantes, frôlent l'insolite.
A Woljeongsa, la sérénité s'installe
vite, malgré l'affluence de visiteurs en cette fin de semaine. Ceux
qui tentent comme moi le « templestay », tous coréens,
beaucoup de citadins, Séoul en tête. Ceux qui passent sur le chemin
de la randonnée au mont Odaesan. Bien sûr, les figures
intemporelles de ces moines et nonnes en large et long veston
matelassé gris perle, bonnets enfoncés jusqu'au nez. Et des
centaines de novices reclus pour un ou trois mois, en questionnement
sur une possible vie monastique ou en simple recul par rapport à une
société à bien des égards trop frénétique. On rencontre de tout
à Woljeongsa.
Une jeune fille au cœur brisé par le
refus de ses parents d'accepter son mariage. « Ce n'est pas une
pratique légale, mais culturellement, je ne peux passer outre. »
Une femme de diplomate coréen, exilée depuis des années eu Europe,
en Malaisie, en Indonésie. « Loin depuis si longtemps, je
n'arrive plus à suivre les évolutions de la société coréenne.
Tout bouge trop vite. Alors paradoxalement, c'est ici que j'aime à
venir puiser aux sources de notre culture, même si je suis
catholique ». Un père quinquagénaire et son fils, le premier
vivant à Busan, la grande ville du Sud, le second exilé avec sa
mère en Australie depuis l'adolescence. « Je suis parti depuis
si longtemps que je ne comprends plus toute la subtilité de ce qui
se joue ici. D'ailleurs, vivre cela, c'est exceptionnel, même pour
un coréen », me confie le fils, la vingtaine. « Les
programmes de templestay à mon avis sont de plus en plus populaires,
les gens ont besoin de déconnecter d'une vie où tout est centré
sur la réussite matérielle », ressent son père, Mr Choo.
Perdus ici, entre les pins blancs de
neige, lorsque glissent en file indienne les centaines de petits
costumes safran et bruns des novices au sortir du service de 4h20,
comme autant d'origamis sur le timide scintillement de la neige
éclairée aux bougies dans la fraîcheur mordante qui précède
l'aube, cela coule de source.
Une version plus longue de cet article est disponible sur Libé Voyages
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Photos : Jinbu, Woljeongsa, Sangwonsa