mardi 12 novembre 2013

Formose, l'ïle de la félicité

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> Jeudi 17 octobre. Il ne nous aura pas semblé de peuple plus aimable que le peuple taïwanais. A Taipei, Jack et sa famille, rencontrés à Matsu, nous offrent l'hospitalité, dans une générosité sans bornes. Nous voici logés dans un appartement dont ils disposent à Taoyuan, dans la banlieue de Taipei, et qu'ils n'occupent pas. Un havre de paix et de finesse, panneaux glissants japonais et partout petites théières que collectionne patiemment le maître des lieux. Sans jamais se lasser, il nous fait découvrir les beautés de sa région, ses délices culinaires et partage avec nous les questions de l'existence. Jack, c'est une figure de père digne d'un Goriot, qui nous couve comme il couve sa famille toute féminine, trois filles et sa femme. Un intourmentable optimiste, le sourire férocement vissé aux lèvres. Un bouddhiste qui un jour a fait vœu de végétarisme pour mettre sa famille sous la protection des dieux. Il pense qu'on ne se rencontre jamais par hasard.

Photos : Mataian, Cimei, Shihtiping, Taipei, Taroko, Jipen
             Taoyuan, Jack et sa famille avec Romain et Lise, Chantal, Jack






Lise, une amie, nous ayant rejoints pour quelques jours, nous partons explorer plus loin l'île. L'occasion d'en saisir trop brièvement les multiples facettes, splendeurs naturelles, et encore une fois de se frotter à une humanité plus grande que la notre. Nous trouvons-nous au bord d'une route de montagne, à des lieues de la ville la plus proche et de tout transport collectif ? Il se présente un couple qui en moins de temps qu'il ne faut pour le dire glisse prestement ses enfants dans le coffre ouvert derrière les sièges pour nous assurer un convoyage vers la côte. Au retour, ce sera un autre couple qui déviera son trajet de plusieurs dizaines de kilomètres et tournoiera sur de sinueuses routes de montagne pour nous déposer à notre hôtel.

Les taïwanais héritent de la plus noble histoire chinoise, moins le traumatisme du maoïsme, un certain passé japonais en plus. Un mariage de finesse, d'érudition et de spiritualité. L'île pullule de temples taoïstes, bouddhistes et confucianistes, d'églises chrétienne, héritage sans doute de son passé hollandais et espagnol et du temps de la conversion des aborigènes, mais aussi de sources thermales exploitées par les occupants japonais avant la seconde guerre mondiale. Les influences se marient sans heurts dans ce creuset sans revendication majeure d'identité politique propre. L'île a choisi depuis des décennies de mettre l'accent sur le développement économique, acceptant des compromis pour ne pas froisser la Chine continentale tout en s'assurant une place dans l'échiquier extrême-asiatique. Une chance peut-être en un temps mais aujourd'hui la jeune génération consumériste semble en passe de laisser s'étioler ce que leurs aïeuls avaient voulu préserver en leur temps du communisme à la Mao et de la révolution culturelle.

Nous y serons bien, à Taïwan. A peine senti puis heureusement oublié un tremblement de terre relativement important que nous essuierons en son épicentre vers Hualien. Pas de dégâts, et c'est bien encore la félicité qui nous comble. Nous avions longuement hésité entre Taïwan et les Philippines avant d'opter pour la première, bien plus simple à rallier par la mer. Aujourd'hui, nous frémissons de loin, comme les taïwanais et les immigrés philippins, au passage du super-typhon Haiyan aux Philippines. 

Photos : Kenting, Tainan, Yeliu, Jinshan, Yilan


















samedi 2 novembre 2013

La nausée

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> Jeudi 17 octobre. Pour rallier Taïwan, il nous faut emprunter un bateau militaire, chargé de ces conscrits bruyants du bonheur du foyer bientôt retrouvé et quelques peu nostalgiques de ces bonnes heures partagées entre copains.
Beaucoup, comme Romain, ont la nausée de la traversée. D'autres dorment pour conjurer le sort. Certains sont pendus à leur smartphone où s'agite une petite figurine rose « Hello Kitty ».

Comment perçoivent-ils les combats de leurs grands-parents ces jeunes hommes, souvent enfants uniques, choyés par leurs parents, enfants du matérialisme, cette génération « fraise » tellement de son temps ?
Comment se définit-on quand on est né d'un pays qui n'existe pas et dont la moindre tentative de déclaration d'indépendance serait immédiatement le déclencheur d'une invasion chinoise ?

Photos : détroit de Taïwan

Fuite insulaire

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> Mercredi 9 octobre. Il y a près de 65 ans, ceux qui pensaient détenir entre leurs mains l'avenir de la Chine avaient franchi le détroit de Taïwan. Nous avons décidé d'en faire autant. Notre trait d'union et leur base avancée fut Matsu.

Un archipel de la république de Chine -ROC ou Taïwan, presque encore enclavé dans les sinuosités de la côte du Fujian chinois. Ici comme sur d'autres îles du détroit, les nationalistes ont affronté des décennies durant leurs frères communistes et les îles ne furent « démilitarisées » que depuis peu. Ne reste peut-être que l'apparat. Beaucoup de militaires encore, mais jeunes, les derniers peut-être du service obligatoire. Les uniformes un peu essoufflés courent en traînant les godillots un peu partout sur les minuscules routes bétonnées de ces cailloux maintenant ouverts aux visiteurs, vous lancent de larges sourires, déblaient les bas-côtés, font vivre l'économie locale en musardant le nez au vent. Dans son petit local isolé, l'un d'eux dort à point fermés devant son arsenal de fusils d'assaut et peine à reprendre contenance quand nous le réveillons avec nos mots d'anglais. Partout, des casernes, des bunkers, des forts, des chars rouillés par le vent salé.

Il nous est presque impossible de distinguer les installations encore en activité de celles transformées en lieux de mémoire. D'ailleurs, les deux peuvent s'avérer ouvertes ou closes sans que l'on sache vraiment pourquoi. Face à la côte chinoise, sur une pointe rocheuse léchée par les franges des typhons, s'affiche pleinement l'acmé du système défensif taïwanais au sol. Quelques pauvres canons antiaériens, désuets, dérisoires.

Il faut dire que Taïwan ne plaisante tout de même pas avec son armée, y consacre encore une part relativement importante de son budget. La terre n'est simplement pas son fort, l'île mise sur une marine sur-entraînée, même si nous n'aurons aperçu dans les eaux du détroit aucune des fameuses frégates.

Les quelques rares habitants de Matsu regardent eux le temps et les embruns passer, entre jardins partagés et barques de pêche. Le soir, la lumière irradie des salons largement ouverts sur les rues par de larges fenêtres coulissantes, dévoilant l'intimité familiale aux yeux des passants. Nous n'aurons jamais su bien distinguer entre salles à manger privées et petits restaurants de quartiers. Moments cocasses, mais les taïwanais accueillent les intrus avec le sourire.Dans les ruelles, les minibus de touristes remplacent peu à peu les jeeps des conscrits.

Nous rencontrons Jack et sa famille, sa femme, deux de ses trois filles -Chantal et Kate*, et moult cousins, oncles et tantes. Il y a trente ans, lui aussi fut appelé ici. Les longues heures creuses lui permirent d'y rencontrer celle qui allait devenir sa femme. Généreux, un large sourire toujours collé aux lèvres, il nous convie immédiatement à l'anniversaire de la grand-mère qui réside encore sur l'une des îles de l'archipel. Le début de ce qui allait devenir l'une des rencontres les plus marquantes de notre voyage.

* Les prénoms sont ceux, occidentaux, choisis par eux pour faciliter les rencontres avec les étrangers !

Photos: Dongju, Dongyin, Nangan (Archipel des Matsu)