> Mercredi 11 septembre. Il fallait bien la quitter cette Asie
Centrale. Pour ne pas déroger à la règle des hauteurs, le passage
en Chine ne peut s'effectuer qu'à près de 3000m. Nous choisissons
l'Irkeshtam, réputé moins aléatoire que le Torugart.
En route, le bout du monde, kirghiz du
moins, s'appelle Sary-Tash. Quelques pauvres maisons basses, des
troupeaux épars, de pauvres hères, des enfants qui se gaussent de
leurs propres « hello » jetés aux étrangers de plus en
plus nombreux qui attendent ici leurs dernières minutes nomades.
Peut-être un peu de trafic de drogue afghane aussi mais cela se joue
sur un autre réseau.
Au petit matin, l'espoir d'un camion
chinois en partance vers Kashgar et qui pourra nous débarquer au
poste frontière s'effiloche au froid mordant. Le muezzin rit sous
cape en traînant ses godasses dans le silence du village pour la
prière de 6h. Nous sommes là depuis une heure déjà et rien. Après
deux heures, longues comme jamais, nous aurons vu passer une unique
voiture, vrombissante.
« No truck, no truck »,
s'esclaffent les bergers en nous offrant le transport à un prix
indécent.
Finalement, il viendra ce camion tant
espéré. A son bord, nous longerons des paysages bien trop grands
pour des semelles d'hommes, la chaîne des Pamir, des crevasses et
les dernières yourtes des plus endurcis de ces bergers du bout du
monde. Passé l'Irkeshtam, dans ce no man's land de 140 km traversé
en plus de 5h à bord d'un autre camion dans lequel nous auront
jetés les autorités chinoises, c'est bien en effet un autre monde
qui s'ouvre. Collines moirées douces et pierreuses, la porte du
désert du Taklamakan déjà.
Photos : Sary-Tash